Bilan

1945

La conférence de Potsdam s'est déroulée dans un mystère dont on ne peut dire que le communiqué final l'a dissipé. Certes, nous devons enregistrer avec satisfaction trois points :

1°) L'Allemagne est définitivement hors de combat. La paix qui lui sera imposée ne sera pas une paix boiteuse. Les Polonais sont à cinquante kilomètres de Berlin. Les Russes s'étendent jusqu'à Koenigsberg. Si vous y ajoutez les énormes prélèvements prévus sur son industrie, à titre de réparation, ON PEUT DIRE QUE POUR CINQUANTE ANS L'ALLEMAGNE EST HORS D'ETAT DE NUIRE.

2°) LE COMMUNIQUE DE LA CONFERENCE, AVANT D'ETRE DIFFUSE, A ETE SOUMIS AU GOUVERNEMENT FRANCAIS. On se rappelle qu'il n'en avait pas été de même à Yalta. Les égards dont nous venons de bénéficier sont un signe d'une meilleure position diplomatique.

3°) Les Trois ont décidé de fonder un Conseil permanent des ministres des Affaires étrangères. LA FRANCE Y PARTICIPERA. Le rôle de ce conseil sera très important. C'est lui, en particulier, qui élaborera les traités de paix. NOUS SOMMES ASSURES DE POUVOIR FAIRE ENTENDRE NOTRE VOIX DANS LA PREPARATION DE CES TRAITES.

Mais, à côté de ces trois points, que d'incertitudes continues de planer ! AUCUN DES CONFLITS LATENTS, QUI SEPARENT LES TROIS GRANDS, N'A ETE REGLE, ni les Détroits, ni la question de l'accession de la Bulgarie à la Mer Égée, ni la question de la Perse, ni le partage d'influence en Chine. Or, de la solution de ces conflits dépend le sort de la paix. C'est à leur propos qu'on saura si les Grands s'entendent ou non. Et de cette entente dépend la paix du monde.

Et puis, s'ils s'entendent ces Trois Grands, comment se fera leur entente ? Aucun principe directeur ne les guide. Au Congrès de Vienne on s'appuyait sur le principe de légitimité : à Versailles, on s'est inspiré du principe des nationalités. Je sais la faiblesse de ces principes. Ils étaient quand même un début de règle, un frein. En leur absence, on s'inspirera que d'un seul principe : l'équilibre des forces. Chacun voudra s'agrandir autant que l'autre. Les petits États feront les frais. C'est ainsi que se sont fait dans l'Histoire, les quatre partages de la Pologne.

Ce souci de l'équilibre, exclusif de la Justice, se manifeste déjà dans la question des réparations. On ne s'y est pas soucié de compenser proportionnellement les dommages subis. On a simplement partagé le gâteau, et les pauvres, dont nous sommes, n'ont que les miettes.